Certes, le métier reste encore assez masculin, mais le nombre de femmes experts-comptables ne cesse d’augmenter : elles représentent aujourd’hui 30 % des inscrits au tableau de l’Ordre des experts-comptables contre 25 % en 2015. Mieux : entre 2015 et 2017, les nouvelles inscriptions n’ont concerné que des femmes (581 très exactement), alors que le nombre d’hommes a diminué de 7. Plus parlant encore, les femmes constituent 50 % des diplômées. Alors pourquoi ces 20 % d’écart entre les diplômées et les inscrites à l’Ordre ? « C’est presque un problème de civilisation, sourit Sophie Coudré, co-présidente de l’association Femmes experts-comptables. C’est un milieu de business, et les femmes s’y sentent moins à l’aise que les hommes. » Est-ce une raison pour ne pas s’installer en libéral ? Non, bien sûr ! Souvent, les femmes attendent plus longtemps, prennent le temps de réfléchir, se posent la question des enfants (s’installer avant ou après la maternité ?), mais au final, celles qui osent se lancer encouragent les autres à le faire, mettant notamment en avant la grande flexibilité possible quand on s’installe à son compte.

La société évolue, et les mentalités aussi. Aujourd’hui, plus personne n’oserait dire que les femmes sont moins capables que les hommes. Dans certaines professions, les quotas ont permis de faire évoluer les situations (les femmes administratrices de société sont passées de 30 % à 45 % après l’instauration d’une discrimination positive). Mais le changement de mentalité ne se décrète pas, il se vit… « Il faut expliquer à tous que 1+1=3, tellement la différence est enrichissante, dans la pratique de ce métier comme ailleurs » abonde Sophie Coudré. Les femmes doivent être convaincues que professionnellement, elles ont la même valeur technique, humaine, financière, que des hommes. « En être persuadée, c’est ouvrir le champ de ses capacités. Aujourd’hui encore, les femmes experts-comptables doivent apprendre à être maitre de leur destin, à oser être elles-mêmes » poursuit-elle. L’esprit entrepreneurial dépend aussi de la personnalité. Il est donc important, dès avant l’obtention du diplôme, de se poser la bonne question : « Qu’ai-je envie de faire ? »

Autre piste pour aider les femmes à s’installer : le mentorat et les réseaux. « C’est à nous, qui avons plusieurs années d’expérience, d’expliquer aux jeunes femmes qu’il est possible de prendre leur destin en main » insiste Éliane Lévêque-Griffanti, co-présidente de l’association Femmes experts-comptables. « Nous sommes passées par là, nous avons rencontré toutes sortes de situations, nous nous sommes parfois battues pour obtenir gain de cause, et notre expérience peut servir à des plus jeunes. » Les réseaux constituent une opportunité de rencontrer d’autres femmes, qui se posent les mêmes questions ou qui sont susceptibles d’y répondre. Alors que la profession peine à recruter, en partie peut-être à cause de cette image trop masculine, il faut plus que jamais convaincre les femmes qu’elles y ont leur place, une place identique à celle des hommes.

Moins nombreuses, entourées d’hommes qui ne voient pas forcément où est le problème, les femmes ont parfois besoin d’être soutenues dans leur quotidien professionnel.  « Nous avons choisi de développer des formations réservées à nos adhérentes » indique Éliane Lévêque-Griffanti. « Il faut dire et répéter aux femmes que certaines situations qu’elles vivent sont normales »… et les aider à les affronter. Stress, gestion des honoraires, prise de paroles en public sont des exemples de thèmes traités par l’association des Femmes experts-comptables pour aider celles-ci à développer leur potentiel.

Dans une économie en pleine mutation, les opportunités de croissance sont nombreuses. Nouveaux besoins, nouveaux services, nouveaux outils… tout est en place pour permettre aux jeunes experts-comptables, hommes et femmes, de lancer leur activité et de se développer rapidement. Pourquoi s’en priver parce qu’on est une femme ? Si le rythme de la profession est parfois soutenu, il permet aussi une certaine flexibilité, afin de gérer l’équilibre vie privée / vie professionnelle comme on l’entend. Quitte à choisir de commencer petit, pour augmenter l’activité lorsque cela devient possible. Être expert-comptable recouvre des réalités très différentes aujourd’hui, et plus encore demain. Raison de plus pour y construire son avenir en toute sérénité.